L’efficacité de la psychanalyse, Guénaël Visentini.

Lecture de Sara Dangréaux, psychothérapeute à Paris dans le quartier de gare du Nord

 

La psychanalyse est une clinique du sujet puisque la visée est l’avènement de ce dernier et non le dressage ou le renforcement du Moi. L’être est donc au centre et non le clinicien d’où l’importance de son silence pour que le déroulé de la chaine signifiante et donc un sujet puisse advenir.
 
Visentini propose un travail poussé de recherche concernant les protocoles mis en place pour évaluer l’efficacité des psychothérapies. Son ouvrage vise à défendre la psychanalyse mais se faisant il se base, pour argumenter, sur le travail d’évaluation qui concerne les psychothérapies d’inspiration psychanalytique mais non la psychanalyse elle-même. A la fin de son ouvrage il me semble que la défense d’une clinique du sujet est mise en avant et la seule qui semble pertinente si l’évaluation de la psychanalyse est ce qui est visée.
 
 
Avant 1980, les études psychanalytiques sont au cas par cas avec une recherche orientée par la clinique. Mais des « questions éthique, épistémologique et politiques se sont alors immiscées de l’extérieur dans le rapport aux patients »[1] écrit l’auteur. Ce qui fera évoluer la recherche en psychanalyse et peut-être en avons-nous les effets encore aujourd’hui.  
Visentini part de la position de Freud et le cite pour pointer son scepticisme :
 
« Son scepticisme à propos de possibles tests expérimentaux de l’efficacité de la cure analytique, au motif qu’« une statistique est sans valeur si les unités qui sont mises en série sont trop peu homogène » et que déterminer l’« aller mal » ou l’« aller bien » des patients excède la prise en compte de symptômes pré-cristallisables »[2].
 
Après 1980, en ce qui concerne les premières études expérimentales, un manque de standardisation est pointé. Mais Visentini à partir de son travail de recherche pour démontrer, semble-t-il, une efficacité de la psychanalyse, pose des questions pertinentes : « Qui donc doit évaluer l’efficacité d’une cure analytique, et au nom de qui ou de quoi ? »[3] Je pense que la proposition faite au RPH, Ecole de psychanalyse, et qui se centre sur la parole du psychanalysant est pertinente sur ce point en s’axant sur une méthode d’évaluation verticale et non transversale où des observateurs extérieurs viendrait analyser des données ce qui laisse tout de même le biais non négligeable du Moi dudit observateurs. 
 
Les protocoles pour évaluer les thérapies produise aussi comme effet, et Visentini le pointera, de nier le style du clinicien ou encore de l’effacer de la question expertisée.
 
Les essais contrôlés randomisé (ECR) deviennent le protocole étalon pour valider une efficacité et vont donc être appliqué à l’évaluation des psychothérapies alors même que les variables mesurées relèvent d’une subjectivité et donc ne sont pas uniquement du champ de mesures mathématiques. Dans son ouvrage, Visentini va témoigner, grâce aux nombreuses sources qu’il cite, des limites des ECR. Mais, dans le même temps, il va indiquer que ces ECR attesterait de l’efficacité de la psychanalyse en généralisant à partir des psychothérapies d’inspiration psychanalytique sur lesquelles sont basées ces expérimentation[4]. Ici ce loge un paradoxe ou encore un problème de méthodologie. S’appuyer sur les résultats des ECR pour attester de l’efficacité des psychothérapies psychanalytiques tout en argumentant les biais en leur sein pose question.
 
La crise de confiance dans la psychanalyse, que pointe Visentini, date de 1984[5]. Peut-être alors un questionnement est pertinent concernant le travail des psychanalystes en leur sein ou encore sur la psychanalyse elle-même mais si ce travail vise à séduire la sphère politique, cela peut poser aussi difficulté. Ce que ce document montre c’est tout de même que dans la sphère de l’ensemble des psychothérapies, celles d’inspiration psychanalytique offre des résultats similaires aux autres thérapie donc cela indiquerait que les thérapies dites brèves ou encore celle de dressage du Moi ne sont pas plus ou moins efficace que l’approche psychanalytique. Mais, je pense que la psychanalyse, en cédant de la spécificité qu’est la psychanalyse, ne sort pas grandie. Donc en voulant défendre la psychanalyse, l’auteur la met dans un champ qui n’est pas la sien. Il vient mélanger l’or et le plomb dont parlait Freud.
 
Les ECR vise à « neutraliser »[6] le transfert donc à partir de ce point nous ne sommes déjà plus dans le champ de la psychanalyse. La protocolisation des psychothérapies[7] viserait-elle à protocoliser l’émergence de l’inconscient ? Ce travail des ECRs par un travail dit scientifique, vise à annihiler toutes différences et cela est d’actualité.
La recherche est de « comparer les efficacité différentielles »[8] en ôtant les différences et spécificités cliniques, ce qui est assez cocasse.  
Un autre passage qui a retenu mon attention est cette phrase : « Chaque thérapeute a un degré différent de croyance dans le référentiel théorique qu’il mobilise »[9]. Nous sommes, avec ce mot de croyance, dans le champ du Moi et non plus celui de la scientificité précisément.
 
Les ECRs sont aujourd’hui remises en question dans le champ des sciences humaines. Cela m’apparaît paradoxal avec ce que les universités tendent à mettre en avant dans le travail de recherche des étudiants. Visentini évoque un retour au cas, là où les travaux d’étudiants ont à se baser sur des entretiens directifs et non plus la clinique arguant que cela serait pour le respect de l’éthique de non divulgation de cas.
 
Les psychanalystes ont dès le début critiqué les ECRs[10] et la visée de la psychanalyse n’est pas le symptôme à contrario des TCC[11]. Le rabattement de la psychanalyse au champ de la psychothérapie pose question car l’un n’équivaut pas à l’autre et la visée de la psychanalyse n’est pas de rester dans le champ de la psychothérapie même si tout à chacun ne fera pas forcément une psychanalyse mais cela est du choix ou de l’engagement de l’être et s’il n’y a pas à juger, coincer l’être en psychothérapie est questionnant. Si la fin de son texte met en avant le cas. Le livre de Visentini a une visée politique si l’on s’en réfère à son dernier paragraphe et en cela il a le mérite d’exister et s’il peut être lu et entendu dans son argument de clinique du sujet auprès des enseignants d’université cela pourrait être intéressant. Car comment la recherche en psychanalyse peut-elle exister à l’université, si la clinique n’y a plus droit de cité ? 
Fait à Paris 75010.

 

[1] Visentini R., L’efficacité de la psychanalyse, Paris, PUF, 2021, p. 14.

[2] Op. cit., p. 15.

[3] Op. cit., p. 25.

[4] Op. cit., p. 64.

[5] Op. cit., p.41.

[6] Op. cit., p. 43.

[7] Op. cit., p. 44-45.

[8] Op. cit., p.47.

[9] Op. cit., p. 50.

[10] Op. cit., p. 91.

[11] Op. cit., p. 93.