Dans le dictionnaire Larousse pour le citer même si un autre fonctionnerait tout aussi bien, le mot médiation est défini comme :

« entremise, intervention destinée à amener à un accord.

Fait de servir d’intermédiaire, en particulier dans la communication.

Procédure de règlement des conflits collectifs du travail dans laquelle intervient un médiateur.

[Et enfin] Mode de solution pacifique d’un conflit international, consistant à recourir à des médiateurs ».

 

Il y a donc dans la définition de ce mot médiation l’idée de conflit à résoudre, à dénouer. Trouver une solution, une voie de résolution en faisant intervenir quelqu’un ou quelque chose. Résoudre un conflit par intermédiaire d’un objet (objet personne ou objet matériel.

 

Médiation est aussi un terme repris dans le champ juridique :

« La médiation (…) s’entend de tout processus structuré, quelle qu’en soit la dénomination, par lequel deux ou plusieurs parties tentent de parvenir à un accord en vue de la résolution amiable de leurs différends, avec l’aide d’un tiers, le médiateur, choisi par elles ou désigné, avec leur accord, par le juge saisi du litige ».

 

Cette explication juridique met en exergue à nouveau cette dimension de conflit entre deux parties et l’intervention d’un tiers permettant la « résolution amiable ».    

 

En ce qui concerne le terme artistique, sa définition dans le Larousse est la suivante « relatif aux arts (peinture, sculpture, architecture, etc. Qui est fait avec art, avec un souci de la beauté »

 

 

Et bien ces définitions permettent de rentrer dans le vif du sujet de l’intérêt que peut recéler l’emploi de médiations artistiques dans la prise en soin de sujet. La médiation artistique renvoie à l’utilisation d’un médium, pour venir dénoue un conflit. Le plus souvent conflit interne au sujet qui ne peut être dénoué ou approché. Aussi, l’utilisation de la médiation artistique, comme le mot de médiation l’indique, va permettre d’inter-venir – soit venir entre -, de créer un espace de travail possible. PROJECTION SUR OBJET MEDIATEUR. La médiation en tant que fonction de tiers, permettant un espace de rencontre entre le sujet et lui-même et entre le sujet et l’autre, entre le sujet et le monde qui l’entoure. Fonction de tiers en ce sens que cela ouvre une nouvelle voie, dans une situation conflictuelle. Ouvre une voie possible du deux vers trois. Le deux de la relation qui est fondamentalement imaginaire et donc teinté d’agressivité au trois et nous reviendrons sur ce point qui s’esquisse plus tard avec l’éclairage que peut apporter l’enseignement lacanien.  

 

La médiation artistique est donc l’utilisation de l’art, de la création artistique, dans un autre but qu’esthétique, que celui de la beauté mais dans un but thérapeutique voire relationnel ou autre selon le cadre de l’utilisation de la médiation artistique. Cette médiation artistique fait intervenir l’utilisation d’un objet médiateur, qui va permettre un travail et toute la question ici, est de quoi va-t-il être question, dans le champ qui nous intéresse soit celui du soin, quels sont les enjeux de l’utilisation de cet objet, de ce média ?

 

 

Historique

Je vous propose un rapide coup d’œil sur les fondements, l’origine de l’utilisation des médiations artistiques. Ceci afin de mieux visualiser d’où nous partons, bien entendu en nous concentrant sur le champ du soin.

 

Les médiations artistiques ont une origine antérieure à la naissance de la psychanalyse. Dès le dix septième et dix huitième siècle, une utilisation de l’art était faite dans les thérapeutiques des maladies mentales. L’utilisation de l’art était alors pratiquée pour réintroduire une harmonie qui n’était plus voir d’apaiser les passions.  

Par exemple la musique classique par le son harmonieux agissait, selon eux, sur le corps et donc l’être de l’individu malade. Ré harmonisation de l’être, pourrait-on dire dans son ensemble.

Reprise de la théorie des humeurs avec une production au niveau du corps qui serait en lien avec le caractère. Ce que je trouve intéressant dans cette conception c’est l’idée d’un tout. De ne pas dissocier le corps et la psyché, bien souvent notre écueil avec toutes les spécialités actuelles. Ce qui est psychique c’est dans la tête et c’est les psychistes. Et ce qui est dans le corps c’est le médecin avec un médecin pour chaque bout de corps si j’exagère.

Attention, il ne faut pas se méprendre c’est très important qu’il puisse y avoir des spécialistes mais dans l’abord du patient il me semble important de pouvoir travailler de concert sans morceler le sujet mais bien en rassemblant le corps du psychisme car l’un ne va pas sans l’autre. L’hystérie a d’ailleurs témoignée, en son temps et aujourd’hui encore, combien le psychisme et le corps sont liés. La question de l’organisme étant encore différente mais là je m’éloigne peut être un peu donc je reprends mes railles.

 

 

 

C’est au dix neuvième siècle que des psychiatres vont commencer à s’intéresser aux productions des aliénés, avec une tentative de lecture de la folie au travers des productions de ces derniers. Cette démarche ne s’inscrit donc toujours pas dans une optique d’utilisation de l’art comme médiation à dessein thérapeutique.                     

 

Avec Freud, donc début vingtième, il n’est plus question de donner fois à une psychologie qui lirait le reflet d’un sujet au travers de sa production artistique, en faisant fi de ce que ce sujet peut dire de sa production. La forme d’une production artistique ne renseignant pas sur le sujet ayant réalisé cette œuvre. Aussi, Freud remet l’auteur au centre de l’affaire. Le pas qu’il va faire par rapport à ses prédécesseurs, médecins ou psychiatres, est de s’intéresser au processus créateur en lui-même. L’investigation freudienne s’est donc portée sur l’œuvre mais aussi et surtout sur le processus créateur et les effets de ce processus sur le sujet – Les effets au niveau pulsionnels. Cette voie du processus de création ne se cantonnant pas seulement aux artistes mais aussi dans la vie d’homme lambda.

Freud décrit le plaisir esthétique lié à la forme de l’œuvre mais aussi un plaisir qui tirerait sa source de la libération des sources pulsionnelles inconscientes. L’art permettant d’exprimer des motions pulsionnelles inconscientes donc levant le voile du refoulé tant pour le créateur que pour celui qui contemple l’œuvre. Ceci abaissant la tension menant vers la voie de la pathologie. Création comme voie d’expression du pulsionnel, objet d’investissement pulsionnel.

 

Ce pas vient lier la question de la médiation artistique au champ du soin. User de médiations pour tenter d’activer le processus de création chez le patient. Par le biais de ce média, permettre au sujet la création de formes nouvelles de représentations et donc une ouverture vers des processus de symbolisation.

 

La médiation artistique à fin thérapeutique, dans le champ de la psychanalyse, s’est tout d’abord développée auprès d’enfants avec le dessin notamment. Le média faisant office de support à la libération de l’activité fantasmatique. Là où la règle fondamentale de l’association libre peut être freinée par l’activité verbale du tout petit. C’est de l’impossibilité de travailler uniquement avec le registre verbal que la médiation thérapeutique a été utilisée au sein des thérapeutiques psychanalytiques. Donc avec les enfants et les patients psychotiques.

 

 

A cette époque, dans le cadre de la psychiatrie française et dans la suite de ce qui avait été initié, des psychiatres commencent à étudier les productions artistiques des personnes internées, avec un intérêt pour l’expression de la pathologie à travers leur production artistique. En 1950, a lieu la première exposition internationale d’art psychopathologique à l’hôpital Sainte Anne, à l’occasion du premier congrès mondial de psychiatrie.

 

Ceci est un acte fort, je trouve. Une reconnaissance des œuvres d’art de ces patients internés, puisqu’exposés au regard d’autrui. (2000 œuvres plastiques, dessins et peintures, créées par 350 malades mentaux).

 

Des artistes vont eux aussi s’intéresser à ces productions et le terme « d’art brut » va émerger. Un art hors les normes, hors normes académiques et circuits habituels de l’art. [Breton, surréaliste]. Les productions artistiques des patients deviennent des objets ayant une valeur. Voici une reconnaissance importante qui fait de ces activités artistiques non plus seulement des activités pour occuper les patients.

La question de l’art-thérapie commence à émerger sous un autre nom « psychopathologie de l’expression ». Voici donc les prémices de la médiation artistique comme objet thérapeutique.

 

 

Deuxième moitié du vingtième siècle, suite à deux décrets, influencés par les réflexions de l’époque – notamment la psychanalyse mais aussi les modifications initiées par la révolution de 68 -, l’hôpital devient UN des éléments de l’institution de soin. Désormais, la psychiatrie a droit de cité à l’intérieur des murs de la ville. Il y a un désir d’ouvrir les lieux de soins avec une possibilité de poursuivre sa vie.

 

Dans ce contexte, les CATTP vont ouvrir leur porte. C’est notamment au sein de ces Centres d’Accueil Thérapeutique à Temps Partiel que les activités à médiation vont se développer. Ces centres organisent des ateliers thérapeutiques afin de soutenir les personnes dans leur démarche de soin entreprise par ailleurs. Les temps de présence pouvant se moduler suivant les personnes. Ici la question de la médiation artistique dans le cadre du soin va poursuivre son développement et s’étayer de recherche et de réflexion pratique quotidienne.

 

Au cours du vingtième siècle, l’ergothérapie se développe dans les institutions de soin. Elle est dite aussi « thérapie occupationnelle ». Ce terme de thérapie renvoie à la question du soin mais ici, il s’agit de prendre soin en étayant le patient dans les gestes quotidiens, avec des stimulations déviées ou décalées. Ce terme d’occupationnel est important car il témoigne du positionnement radicalement différent des activités à médiation artistique qui ont pour visée un étayage psychique. Cela ne minimise pas ce travail d’atelier occupationnel, qui peut éviter une errance psychique de certains. Mais la visée est différente et c’est important de l’entendre, même si des bénéfices psychiques peuvent exister, ce n’est pas l’objectif. L’ergothérapie cherche à soigner en rééduquant, en restaurant des capacités physiques par l’activité, le travail. L’axe de travail est important puisqu’il détermine notre positionnement de professionnel.

  

 

Voici ce qu’il en est d’un rapide coup d’œil sur les grandes lignes historiques concernant la question de la médiation artistique. Si j’ai fait le choix de partir de là c’est que la progression sur cette question de la médiation pose des jalons, une base d’entendement historique. Et l’histoire est ce qui nous encre. Au sens de l’encrage de l’arrimage. Et pour pouvoir s’offrir des libertés, il est important d’avoir un point d’arrimage car ainsi on retrouve toujours son axe et on ne flotte pas dans les airs !